Yvon Moysan, vous venez de publier une étude intitulée « Big Data: Panorama international des pratiques dans la Banque et l’Assurance », quels sont les principaux enseignements de cette étude ?
Cette étude se distingue tout d’abord par le fait qu’elle analyse et détaille différentes initiatives déjà lancées, il ne s’agit pas ici, comme dans d’autres études, de se projeter dans un futur plus ou moins proche en supposant que telle ou telle initiative deviendra possible. En partant de ce principe, nous pouvons d’ores et déjà retirer de cette étude que de nombreuses initiatives concrètes existent et ce dans des zones géographiques aussi diverses que les Etats Unis, la Belgique, le Japon, l’Afrique du Sud ou encore l’Australie ! Le second enseignement est que ces cas d’usage touchent l’ensemble de la chaîne de valeur de la banque et de l’assurance. Des initiatives ont ainsi été lancées pour accroître les revenus via une meilleure qualification des prospects ou l’amélioration de leurs parcours, l’optimisation des campagnes marketing, la personnalisation ou la création d’offres ou de services voir de nouveaux modèles d’affaire mais aussi pour diminuer les coûts. On peut ainsi citer des initiatives dans la lutte contre la fraude ou encore l’amélioration de la gestion des sinistres. Le troisième enseignement que je citerai serait que, pour les initiatives analysées, les résultats obtenus donnent, dans la plupart des cas, satisfaction aux différents acteurs. Pour l’illustrer, on peut citer le cas de l’assureur Hiscox, qui, après optimisation de son parcours prospect a amélioré son taux de conversion de près de 10 % ou encore celui de la banque ING en Belgique qui, en multipliant les campagnes basées sur des modèles prédictifs au profit des modèles traditionnels, a vu son taux de transformation progressé de 70 % en l’espace de quelques mois.
Quelles sont les grandes différences entre les banquiers et les assureurs ?
Les grandes différences que l’on observe sur le Big Data entre banquiers et assureurs ne diffèrent pas outre mesure avec celles que l’on observe par ailleurs. Les clients des banques étant globalement plus captifs que ceux des assureurs, les banquiers développent naturellement plus d’initiatives pour accroître la valeur client via du cross selling ou de l’up selling alors que les assureurs vont plutôt avoir tendance à lancer des initiatives pour acquérir de nouveaux clients. Pour l’illustrer, des assureurs ont noué des partenariats avec des acteurs externes comme les GAFA ou des sites de e-commerce pour acheter de la donnée et pouvoir ainsi déceler certains signaux précurseurs comme le déménagement. Cette information est en effet cruciale pour les assureurs car un foyer sur deux résilie son contrat d’assurance habitation à ce moment précis. L’objectif peut être aussi de vouloir détecter un lieu ou une situation propice à la souscription d’une assurance. Aviva au Royaume Uni a ainsi développé une assurance situationnelle pour les voyageurs en déployant des beacons dans les aéroports, capables de détecter un prospect, et de lui pousser une notification pour lui proposer la souscription d’une assurance voyage à travers son application mobile. Les banquiers, eux, au contraire ont plutôt tendance à développer des modèles prédictifs pour optimiser leurs campagnes comme dans le cas d’ING Belgique que nous avons précédemment évoqué. On retrouve également beaucoup plus d’initiatives dans l’assurance pour ce qui concerne l’optimisation de la gestion des sinistres, la banque étant par nature moins concernée par ces problématiques. On peut aussi noter plus d’initiatives dans la lutte contre la fraude. Si la banque est également touchée par ces phénomènes, notamment pour ce qui concerne la fraude à la carte bancaire, elle est souvent épaulée depuis de nombreuses années par des organismes tiers comme Visa, Mastercard ou le GIE Cartes Bancaires qui fournissent des systèmes de détection qui permettent de contenir le niveau de fraude. A l’inverse, certains assureurs ont connu une explosion de leurs taux de fraude et ce de manière assez récente, notamment dans la santé avec la dématérialisation des échanges. Pour des acteurs comme Pro BTP, ce taux a ainsi atteint 5 à 7% du total des remboursements. Une solution à base de Big Data a permis de le diminuer de manière significative.
Quelle est l’initiative qui vous a surpris le plus cette année ?
Le Big Data permet, entre autre, de croiser des données qui jusqu’ici ne l’étaient pas. Un aspect intéressant intellectuellement du Big Data est que l’on ne prédit pas à l’avance les corrélations qui vont être détectées et on découvre souvent des choses très intéressantes ! Pour l’illustrer, je citerai le cas de Scottish Widows, la filiale assurance de la banque Lloyds. Après avoir croisé des données issues de la banque avec des données issues de l’assurance, elle a pu personnaliser sa tarification. L’assureur s’est en effet aperçu que les clients ayant tendance à ne pas dépasser leurs découverts autorisés et à payer à temps leurs crédits liés à leurs cartes bancaires avaient également tendance à être de meilleurs conducteurs. En conséquence, Scottish Widows a pu proposer des réductions de – 20 % à ces clients bancaires pour les équiper également en assurance automobile. Cela peut paraître logique, mais jusqu’ici ni le banquier ni l’assureur ne l’avait identifié !
A propos de l’étude « Big Data: Panorama international des pratiques dans la Banque et l’Assurance ». Cette étude de plus de 135 slides se base sur l’analyse de près de 50 initiatives détaillées et illustrées de banques et de compagnies d’assurance sur le Big Data dans plus de 10 pays différents. Elle est accessible depuis le site de Saint Germain Consulting à l’adresse suivante : http://saintgermainconsulting.com/fr/etudes/ A propos de Saint Germain Consulting Saint Germain Consulting est un cabinet de conseil en Digital Marketing avec une expertise dans les secteurs Banque et Assurance. Ses prestations s’articulent autour des Etudes, de la Formation professionnelle et du Conseil. Saint Germain Consulting participe également à des conférences publiques ou internes à destination de cadres dirigeants principalement experts du Digital issus des secteurs Banque et Assurance.
A propos de Yvon MOYSAN Yvon Moysan est diplômé de HARVARD et de l’ESSEC. Il est Président fondateur de Saint Germain Consulting, cabinet de conseil en Digital Marketing spécialisé dans les secteurs Banque et Assurance. Il est également Professeur de Digital Marketing à l’IÉSEG School of Management. Il est membre du IÉSEG Center for Marketing Analytics (ICMA) et de la chaire Digital Banking et Big Data Crédit Agricole Nord de France. Il a occupé précédemment différents poste de top management en Digital Marketing au sein de banques ou d’assurances internationales (Siège mondial AXA, HSBC France, BNP PARIBAS-Banque Directe) ou dans le cadre de ses activités de consultant (Société Générale, BPCE, Crédit Agricole). Il intervient régulièrement en France comme à l’étranger comme public speaker dans différentes conférences professionnelles ou académiques. Il publie également dans la presse professionnelle, il est notamment le co-auteur du livre e-assurance et m-assurance publié aux éditions de l’Argus de l’Assurance.